Le marché aux puces à Genève, bien plus qu’un plan du dimanche
Le scénario est classique : tu te promènes à Plainpalais, un café à la main, et tu tombes sur un stand de vinyles, une lampe industrielle cabossée et une chaise Eames… ou sa copie très optimiste. En quelques mètres, tu passes de vieilles cartes postales à des Rolex vintage, en traversant trois générations de meubles IKEA.
Derrière cette balade du week-end, il y a un vrai écosystème : brocanteurs pros, familles qui vident leurs caves, chasseurs de bonnes affaires, collectionneurs ultra-pointus. Genève n’est pas Paris ou Bruxelles, mais la ville a développé une culture de la seconde main intéressante, avec ses codes, ses prix… et ses pièges.
Où aller ? Quoi acheter sans se faire avoir ? Et surtout, comment négocier dans une ville où l’on a parfois l’impression que tout coûte 20 % plus cher qu’ailleurs ? On fait le tour, chiffres à l’appui.
Où chiner à Genève : les spots à connaître
Genève compte peu de « grands » marchés aux puces, mais ceux qui existent tournent bien et sont devenus des repères. À ça, tu peux ajouter les brocantes ponctuelles et les options numériques.
Plaine de Plainpalais : le classique du samedi
C’est LE marché aux puces de Genève, organisé par la Ville de Genève sur la Plaine de Plainpalais.
Quand ? En général le samedi (et certains mercredis), de 6h à 18h environ. Les dates et horaires précis sont à vérifier sur le site de la Ville de Genève, car il y a des variations saisonnières et des événements ponctuels.
Qu’est-ce qu’on y trouve ?
- Beaucoup de vêtements et accessoires (du H&M à la fringue vintage 70s)
- Des meubles et objets déco, de la petite commode à la lampe design
- De la vaisselle (souvent en lots), verres, services à fondue et à raclette
- Livres, BD, vinyles, CD, DVD (oui, ça existe encore)
- Objets de collection : timbres, pièces, jouets anciens, cartes postales
On y trouve un mélange de particuliers et de pros. Les pros ont en général des stands mieux organisés, parfois des cartes de visite, et des prix plus fermes. Les particuliers sont plus flexibles, surtout en fin de matinée ou en début d’après-midi.
Carouge et les brocantes de quartier
Carouge organise régulièrement des brocantes ou vide-greniers de quartier, souvent au printemps et à l’automne. Là, on est plus sur du vide-cave et des familles qui se séparent de jouets, livres d’enfants, vêtements et petits meubles.
Attention : ces brocantes sont plus irrégulières. Il faut surveiller :
- Les sites de la Ville de Carouge et des communes voisines (Lancy, Onex, etc.)
- Les affiches en ville (colonnes d’affichage officielles)
- Les groupes Facebook locaux (Carouge, Genève, etc.)
Les prix y sont souvent plus doux qu’à Plainpalais, parce qu’il s’agit moins de pros et plus de gens qui veulent simplement vider un grenier.
Marchés, ventes et plateformes : les alternatives aux puces
En Suisse, le marché de la seconde main se déplace aussi en ligne et dans des circuits parallèles :
- Ricardo.ch : la grande plateforme d’enchères suisse, avec beaucoup d’objets issus de Suisse romande.
- Facebook Marketplace : pratique pour récupérer des meubles gratuitement ou à très bas prix si tu peux déplacer toi-même.
- Petites annonces locales (Anibis.ch, tutti.ch) : beaucoup de vendeurs genevois y passent, parfois avec retrait direct en ville.
- Emmaüs et consorts : Emmaüs Genève, mais aussi d’autres associations et magasins de seconde main, proposent une alternative plus structurée au marché aux puces.
Ce n’est pas à proprement parler du « marché aux puces », mais le réflexe de base à Genève, c’est souvent : repérage en ligne + vérification/enlèvement sur place.
Ce qui vaut vraiment le coup d’être chassé à Genève
Tout n’est pas une bonne affaire, et Genève n’est pas la ville la moins chère d’Europe. Mais sur certains segments, le marché aux puces reste intéressant.
Le mobilier et la déco : de l’authentique au faux vintage
Les loyers sont élevés, les gens déménagent souvent, et certains expatriés repartent avec peu de bagages. Résultat : un bon roulement de meubles et de déco.
Bon plan :
- Meubles en bois massif (commodes, tables, chaises) des années 50 à 80
- Luminaires vintage, lampes industrielles, suspensions
- Miroirs, cadres, affiches anciennes
À surveiller :
- Les copies de grandes marques de design vendues comme « vintage » ou « style Eames »
- L’état réel des meubles : charnières, tiroirs, traces d’humidité
Genevois oblige, certains vendeurs ont une idée assez… ambitieuse de la valeur de leur armoire Billy. Un meuble IKEA d’occasion ne doit pas coûter plus que 20–30 % du prix neuf, sauf cas très particulier (série limitée introuvable, par exemple).
Vêtements, accessoires et luxe : attention aux fausses bonnes affaires
Sur les marchés aux puces, on trouve beaucoup de vêtements :
- Fast fashion à 2–5 CHF la pièce
- Fringues vintage : jeans Levi’s, blousons, manteaux en laine
- Accessoires : sacs, ceintures, foulards, chaussures
Particularité genevoise : la présence régulière de pièces de marques luxe ou premium (Hermès, Chanel, A.P.C., The Kooples, etc.), surtout sur les stands tenus par des pros.
À garder en tête :
- Le faux luxe circule aussi. Un sac « Chanel » à 70 CHF est presque toujours faux.
- Les pros sérieux connaissent les prix du marché de l’occasion. Si un sac ou une montre coûte vraiment très peu cher, demande-toi pourquoi.
- Pour les chaussures, inspecte systématiquement la semelle et l’intérieur (décollement, odeurs, moisissure).
Le marché suisse de la seconde main textile progresse : selon une étude publiée par la Fédération romande des consommateurs en 2023, la proportion de Suisses achetant au moins une partie de leurs vêtements en seconde main continue d’augmenter, portée par une sensibilité écologique et des prix neufs en hausse. Genève n’y échappe pas.
Livres, disques et objets de collection
Genève étant une ville très internationale, on trouve aux puces :
- Des livres en français, anglais, espagnol, allemand, italien
- Des vinyles de tous genres, du classique au rock
- Des BD franco-belges, mangas, comics
- Des objets liés à l’ONU, aux organisations internationales, aux compagnies aériennes, etc.
Pour ces segments, le marché reste plutôt raisonnable niveau prix, avec des livres à 2–5 CHF et des vinyles entre 5 et 20 CHF selon la rareté et l’état.
Ce qu’il vaut mieux éviter (ou acheter avec prudence)
Il y a aussi des catégories plus risquées :
- Électronique : consoles, téléphones, ordinateurs sans garantie. Si tu ne peux pas tester, passe ton tour ou négocie très bas.
- Électroménager : même remarque, avec en plus un risque de sécurité (câbles abîmés, normes dépassées).
- Cosmétiques, crèmes, parfums entamés : pas besoin de faire un dessin.
- Sièges auto pour enfants : les recommandations de sécurité changent, on évite d’acheter sans historique précis.
En résumé : ce que tu n’achèterais pas sur une petite annonce sans précautions, n’achète pas non plus aux puces « parce que c’est pas cher ».
Comment négocier sans braquer le vendeur
La négociation fait partie du jeu, mais on n’est ni à Marrakech ni sur un marché de gros en Asie. En Suisse romande, le marchandage existe, mais avec une forme de politesse codifiée.
Comprendre le contexte des prix à Genève
Genève est une des villes les plus chères du monde. Ça se voit aussi dans les prix de l’occasion. L’indice des prix à la consommation suisse (OFS) a régulièrement rappelé ces dernières années le niveau élevé des loyers et des salaires dans la région lémanique. Résultat : qui paie son stand, son stockage et son temps veut les rentabiliser.
Donc oui, tu verras parfois :
- Une chemise d’occasion à 25 CHF
- Une petite commode vintage à 200 CHF
- Un vinyle des années 80 à 30 CHF
Ça ne veut pas dire que tout est non négociable. Mais il faut comprendre que le vendeur part d’un autre référentiel que le tien si tu viens d’une ville moins chère.
Les règles de base pour négocier à Plainpalais
Quelques principes simples fonctionnent très bien :
- Arriver à la bonne heure : trop tôt, les prix sont fermes ; juste avant le démontage, les vendeurs bradent plus volontiers. La fenêtre intéressante : fin de matinée et début d’après-midi.
- Regrouper tes achats : « Si je prends la lampe et le miroir, vous faites combien pour les deux ? » fonctionne mieux qu’une négociation pièce par pièce.
- Demander le prix avant de proposer : ça évite de proposer plus que ce que le vendeur voulait.
- Rester respectueux : soupirer, se moquer du prix ou lancer « c’est du vol » est le meilleur moyen de couper court à toute discussion.
- Payer en cash : certains vendeurs préfèrent encore le liquide, et ça peut aider à arrondir vers le bas.
À combien proposer sans vexer ?
Une règle empirique supportable pour la plupart des vendeurs :
- Pour les petits objets (moins de 30 CHF) : proposer environ 30 % de moins et remonter éventuellement d’un cran.
- Pour les objets plus chers : 15–20 % de marge de négociation est souvent acceptable.
- Pour des lots : viser un rabais global, par exemple « 3 livres pour 10 CHF » au lieu de 4 CHF pièce.
Évidemment, certains pros diront non. Ils connaissent la valeur exacte de leur objet, parfois mieux que toi. Parfois, la meilleure stratégie reste simplement de remercier, de faire un tour… et de voir si l’objet est encore là une heure plus tard.
Reconnaître les bons vendeurs (et ceux à éviter)
Comme partout, il y a de tout. Quelques indicateurs utiles :
- Stands propres et organisés : souvent gage de sérieux, surtout pour les objets de valeur.
- Vendeur prêt à donner des infos : provenance, âge, matériau, entretien.
- Étiquettes de prix claires : bon signe, même si tout reste négociable.
- Refus de répondre ou agressivité : passe ton chemin, il y a d’autres stands.
Certains brocanteurs pros seront plus rigides sur les prix, mais ils peuvent aussi offrir davantage de garanties, notamment sur l’authenticité des objets (mobilier design, montres, bijoux, etc.).
Comment éviter de se faire avoir
Tu n’es pas obligé de devenir expert en art déco ou horlogerie genevoise, mais quelques réflexes limitent les mauvaises surprises.
Vérifier l’état, toujours
Avant d’acheter :
- Inspecte sous tous les angles : fissures, taches, réparations visibles.
- Pour les meubles : ouvre les tiroirs, secoue légèrement, vérifie la stabilité.
- Pour les vêtements : cherche les trous, taches sous les bras, fermetures éclair défectueuses.
- Pour les vinyles : inspecte les rayures profondes, pas seulement la pochette.
C’est basique, mais beaucoup de déceptions viennent d’achats « coup de cœur » faits sans inspection minutieuse.
Se renseigner en direct sur son téléphone
À Genève comme ailleurs, la plupart des vendeurs savent que tu as un smartphone dans la poche. Regarder rapidement :
- Le prix neuf d’un objet (meuble, appareil, marque de vêtements)
- Le prix de l’occasion sur Ricardo, Anibis ou eBay
Ça permet de savoir si le vendeur est réaliste ou déconnecté. Si l’objet est vendu 80 CHF et que tu le trouves à 60 CHF en moyenne en ligne, tu as un argument rationnel pour négocier.
Authenticité : apprendre à dire « je passe »
Pour les marques de luxe, sans expertise sérieuse, le doute doit bénéficier… à ton portefeuille. Sacs, montres, foulards de grandes maisons : si le prix est trop beau pour être vrai, il l’est probablement.
En Suisse, la revente de contrefaçons est illégale, même sur un stand de marché. L’Administration fédérale des douanes rappelle régulièrement que l’importation et la vente de faux peuvent entraîner confiscation et amende. Mais sur le terrain, les contrôles ne sont pas systématiques, donc à toi de rester prudent.
Préparer sa virée aux puces comme un pro
Pour transformer une balade sympa en vraie chasse aux bonnes affaires, quelques préparatifs changent tout.
Check-list avant de partir
- Cash : certains stands prennent Twint ou carte, mais beaucoup restent au tout-espèces.
- Sac solide ou caddie : pour éviter de finir avec dix sacs plastiques qui coupent les doigts.
- Dimensions : les mesures de ton salon, couloir, balcon… pour ne pas acheter une armoire qui ne rentre pas chez toi.
- Photos de ton intérieur : utile pour visualiser si un meuble ou un objet « matche » vraiment avec le reste.
- Vêtements confortables : tu vas marcher, fouiller, te baisser.
Stratégie sur place
Une fois sur le marché :
- Fais d’abord un tour complet sans acheter, sauf énorme coup de cœur peu cher.
- Repère 2–3 stands qui correspondent à ce que tu cherches (meubles, vinyles, fringues).
- Reviens ensuite en mode « négociation ciblée ».
Si tu hésites sur un objet volumineux, n’hésite pas à demander au vendeur combien de temps il peut te le réserver. Certains acceptent de bloquer jusqu’à midi ou une heure, surtout si tu laisses un acompte symbolique.
Et après ? Réparer, nettoyer, transformer
Le vrai plaisir de la chine, c’est aussi ce que tu fais de l’objet ensuite. À Genève, tu trouves :
- Des ateliers de réparation de meubles et de restauration de chaises, fauteuils, etc.
- Des couturiers et retoucheurs pour adapter vêtements et manteaux.
- Des ressourceries et ateliers participatifs pour apprendre à réparer toi-même.
L’Office fédéral de l’environnement (OFEV) rappelle régulièrement que prolonger la durée de vie des objets est un levier majeur pour réduire l’empreinte écologique de la consommation. Un meuble récupéré, poncé et repeint à Genève, c’est autant de CO₂ en moins qu’un meuble neuf produit et transporté depuis l’étranger.
En résumé : comment profiter au mieux des marchés aux puces genevois
Genève n’est pas la capitale européenne de la brocante, mais entre Plainpalais, les brocantes de quartier et les plateformes locales, tu as largement de quoi :
- Aménager un appartement avec du caractère sans exploser ton budget
- Te constituer une garde-robe seconde main solide
- Débusquer quelques pièces uniques, entre design, vinyles et objets de collection
La clé, c’est d’y aller avec un mélange de curiosité et de méthode : savoir où chercher, quoi éviter, comment parler prix sans crispation. En pratiquant un peu, tu finiras par reconnaître les bons stands, les bons créneaux horaires et les vraies bonnes affaires.
Et si tu n’es pas sûr de toi, commence petit : un livre, un vinyle, un objet déco. Le reste viendra avec l’habitude… et quelques samedis passés à arpenter Plainpalais, un café dans une main et ton prochain coup de cœur dans l’autre.