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Partir vivre au Portugal : démarches, coûts et réalités locales pour les suisses

Partir vivre au Portugal : démarches, coûts et réalités locales pour les suisses

Partir vivre au Portugal : démarches, coûts et réalités locales pour les suisses

Imagine un matin de février, gris sur le Léman, 3 degrés et une bise qui fouette. Sur ton fil Instagram, un ami d’ami envoie des stories depuis Lisbonne : café en terrasse à 18°C, loyer deux fois moins cher, et un air de « nouvelle vie » qui fait vaguement envie. Partir vivre au Portugal, pour beaucoup de Suisses, c’est justement ça : la promesse d’un quotidien plus doux, avec moins de pression financière.

Mais entre le fantasme de la retraite au soleil ou du télétravail face à l’Atlantique, et la réalité administrative, fiscale et culturelle, il y a un vrai fossé. Le Portugal est attractif, oui, mais pas un Eldorado low-cost sans contrepartie.

Tour d’horizon concret de ce que cela implique de s’y installer quand on vient de Suisse : démarches, coûts réels, pièges à éviter, et points souvent passés sous silence.

Pourquoi le Portugal attire tant les Suisses ?

Les chiffres sont parlants : selon l’Office fédéral de la statistique, la communauté suisse au Portugal a plus que doublé en une quinzaine d’années. Pourquoi ce petit pays de 10 millions d’habitants attire-t-il autant ?

Les mêmes arguments reviennent :

La question à se poser n’est pas « est-ce que c’est moins cher ? » (en général oui), mais : « est-ce que c’est adapté à ma situation de Suisse qui s’expatrie ? » Retraité, indépendant, salarié détaché, famille avec enfants : la réponse ne sera pas la même.

Statut des Suisses au Portugal : pas tout à fait UE, mais presque

La Suisse n’est pas dans l’UE, mais elle fait partie de l’espace de libre circulation avec l’UE. Résultat : pour un Suisse, s’installer au Portugal est plus simple que pour un Canadien, mais un peu plus formel que pour un Français.

Concrètement :

Ce certificat donne un droit de séjour de 5 ans, renouvelable. On parle parfois de « carte de résidence », mais le document exact dépend des communes.

Avant de fantasmer sur une maison à Lagos, commence donc par vérifier deux choses : ton droit au séjour et ton mode de revenu (retraite, salaire, freelance, etc.). C’est la combinaison des deux qui va tout conditionner : fiscalité, sécurité sociale, assurances.

Les démarches administratives de base

Une installation « propre » au Portugal suit en gros ce chemin :

Détail des points qui posent le plus souvent problème.

Le NIF : ton sésame pour (presque) tout

Le NIF, c’est l’équivalent portugais de ton numéro AVS pour tout ce qui touche à la fiscalité. Tu en as besoin pour :

On peut le demander :

Coût : théoriquement gratuit au guichet, mais si tu passes par un intermédiaire à distance, compte entre 50 et 150 CHF en moyenne pour que tout soit fait sans déplacement. Les délais varient, mais en pratique tu peux obtenir ton NIF en une visite si tu es sur place.

Le certificat de résidence UE/AELE

Au-delà de 3 mois sur place, tu dois te déclarer résident. La procédure se fait généralement à la Câmara Municipal, avec :

Frais administratifs : autour de 15 € dans la plupart des communes.

Le Portugal n’est pas particulièrement obsédé par les contrôles, mais rester « en touriste » sur le long terme en espérant passer sous les radars est une fausse bonne idée, notamment pour la fiscalité et l’assurance-maladie.

Assurance-maladie : système suisse ou portugais ?

C’est l’un des points les plus sensibles pour les Suisses. Le Portugal dispose d’un service national de santé (SNS), financé par l’impôt, avec :

Quand tu t’installes, plusieurs cas typiques :

Beaucoup de Suisses conservent, au moins les premières années, une forme de couverture suisse (LAMal internationale ou assurance privée complémentaire) pour éviter les mauvaises surprises en cas de gros problème de santé.

Logement : les loyers ne sont plus ceux de 2010

On entend encore parfois : « Au Portugal, tu loues un T2 pour 400 € en centre-ville ». C’était vrai dans certaines villes… il y a quinze ans.

La réalité 2024–2025, selon les portails Imovirtual et Idealista :

Deux réalités coexistent :

Astuce qui revient souvent chez les expatriés : louer d’abord un logement temporaire (3 à 6 mois), hors haute saison, pour prendre le temps de comparer les quartiers et d’éviter les baux à prix « spécial étranger ».

Coût de la vie : oui, globalement plus bas, mais…

Comparer le coût de la vie, ce n’est pas seulement regarder le prix d’un café à Lisbonne (1–1,50 € en moyenne) versus à Genève. C’est l’ensemble du panier qui compte.

En s’appuyant sur les données 2024 de Numbeo et Eurostat :

Si tu gardes un revenu « suisse » (salaire, retraite ou activité indépendante payée depuis la Suisse), ton pouvoir d’achat augmente clairement. En revanche, si tu comptes travailler en local, il faut regarder le point suivant.

Salaires portugais : gros décalage avec la Suisse

Le salaire minimum portugais brut est d’environ 910 €/mois en 2024, avec un salaire médian qui tourne autour de 1’100–1’300 € nets selon l’INE (Institut national de statistique).

Comparé à la Suisse, le choc est violent. Pour un poste similaire, il n’est pas rare de gagner 2 à 3 fois moins, parfois davantage. Même dans les secteurs qualifiés (IT, ingénierie), la différence reste importante.

En clair :

Ne pas se laisser bercer par l’illusion : « même si je gagne moins, tout est moins cher ». Ce n’est pas suffisant si tu vis exclusivement sur un salaire portugais, surtout dans les grandes villes.

Fiscalité : fin du mythe du paradis pour tous

Le Portugal a longtemps attiré les retraités et les actifs étrangers avec le statut de Résident Non Habituel (RNH), permettant notamment :

Sous pression interne et internationale, le régime a été progressivement revu. Depuis 2024, le cadre est beaucoup plus restrictif, et de nombreuses nouvelles installations ne bénéficient plus des anciens avantages, sauf pour certains profils « à haute valeur ajoutée » (chercheurs, cadres très qualifiés, etc.).

Pour un Suisse qui s’installe aujourd’hui :

Point important : le statut de résident fiscal portugais dépend du nombre de jours passés sur place (plus de 183 jours par an en général) et de ton « centre d’intérêts vitaux ». Vivre la moitié de l’année à Zurich et l’autre à Lisbonne en espérant ne payer d’impôts nulle part n’est pas une stratégie… crédible.

Vu la complexité, passer par un fiscaliste qui connaît bien le tandem Suisse–Portugal est quasiment indispensable si tu as :

Culture, langue, bureaucratie : les réalités du quotidien

Au-delà des chiffres, c’est la vie quotidienne qui fait qu’on s’intègre… ou pas.

Langue : beaucoup de Portugais parlent anglais, et parfois français, mais le portugais reste indispensable pour :

Apprendre les bases avant de partir (au moins un A2-B1) fait une énorme différence. Le portugais européen n’est pas si proche du portugais du Brésil qu’on entend souvent.

Bureaucratie : elle a mauvaise réputation, pas toujours à tort. Entre formulaires papier, rendez-vous en présentiel, sites en portugais et guichets parfois débordés, il faut :

Rythme de vie : plus lent, plus souple, avec des horaires parfois déconcertants pour les Suisses (déjeuners tardifs, services qui ferment à l’heure pile, artisans difficiles à joindre). Agréable… si tu es prêt à adapter ton propre tempo.

Santé, éducation, sécurité : ce que les chiffres disent

Quelques repères factuels :

Là encore, tout dépend de ton profil : un retraité en Algarve n’a pas les mêmes besoins qu’une famille avec deux enfants en âge scolaire.

Et la Suisse dans tout ça : ce qu’il ne faut pas oublier

Partir ne signifie pas couper tous les liens avec la Suisse. Quelques points souvent sous-estimés :

Le site officiel ch.ch et les pages du DFAE sur les Suisses de l’étranger donnent des informations actualisées et neutres. À consulter en priorité avant de te fier aux groupes Facebook d’expats.

Avant de faire tes valises : une check-list utile

Pour passer du rêve de terrasse au soleil à un projet solide, quelques étapes concrètes :

Partir vivre au Portugal peut réellement améliorer ton confort de vie, surtout si tu gardes un revenu lié à la Suisse. Mais le pays n’est plus la carte postale fiscale des années 2010. Les loyers ont grimpé, la fiscalité s’est durcie, et certains Suisses reviennent après quelques années, déçus d’avoir sous-estimé les réalités locales.

L’enjeu, au fond, n’est pas de trouver un « meilleur pays », mais un cadre qui colle à tes priorités : climat, budget, rythme de vie, santé, école, proximité familiale. Le Portugal peut cocher beaucoup de cases. À condition de le regarder en face, chiffres à l’appui, et pas seulement à travers le filtre d’Instagram.

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