Un café en ville, deux croissants, un ticket de tram… et la sensation désagréable d’avoir déjà explosé ton “petit plaisir” du jour. En Suisse, le coût de la vie est si élevé qu’on finit parfois par se dire que se faire du bien, c’est forcément cher. Ou réservé aux vacances. Ou aux autres.
Ce n’est pas tout à fait vrai.
Quand on regarde les chiffres, oui, la Suisse reste dans le trio de tête des pays les plus chers au monde, selon l’OCDE et des comparateurs comme Numbeo. Mais à côté des loyers hors de prix et des assurances maladie qui grimpent, il existe une autre réalité : celle des micro-plaisirs quotidiens, souvent gratuits, parfois à moins de 10 CHF, qui font réellement la différence sur le moral.
On va regarder ça de près, avec une approche très terre-à-terre : idées concrètes, exemples en Suisse romande (mais pas seulement), et quelques outils pour ne pas se faire plomber le porte-monnaie à chaque fois qu’on veut souffler.
Ce que les études appellent “petits plaisirs” (et pourquoi ils comptent vraiment)
Les psychologues parlent de “micro-moments positifs”. Rien de mystique : un court coup de fil avec une amie, une balade de 20 minutes, un bon repas simple, un livre qui capte ton attention. Ces moments n’ont pas besoin d’être spectaculaires pour avoir un effet mesurable sur le stress et l’humeur.
Une étude publiée dans le Journal of Happiness Studies montre que la fréquence des petits plaisirs quotidiens pèse souvent plus sur le bien-être que les “grands événements” (vacances, déménagement, promotion). En clair : un week-end à Barcelone ne compense pas six mois de journées sans respiration.
La bonne nouvelle ? Ces micro-plaisirs sont souvent bien moins chers que ce qu’on imagine. Le piège, c’est qu’on les oublie… ou qu’on ne les planifie tout simplement pas.
D’où une règle simple à garder en tête : au lieu de viser “un gros plaisir occasionnel mais coûteux”, viser “un petit plaisir presque tous les jours, à coût maîtrisé”.
Plaisirs 100% gratuits (ou presque) à portée de main
Avant de parler bons plans et rabais, commençons par ce qui ne demande presque aucun budget. En Suisse, malgré les prix, il y a un truc qu’on a en abondance : des espaces publics de qualité.
1. Le luxe silencieux des bords de lac
- À Genève, Lausanne, Neuchâtel, Zurich ou Lucerne, l’accès aux rives est gratuit.
- S’asseoir au bord du lac avec un thermos de café préparé chez soi, ce n’est pas “moins bien” qu’une terrasse à 5 CHF le café. Pour certains, c’est même l’inverse.
- Petit hack : se créer un “spot fétiche” (un banc, un muret, un escalier) où tu reviens régulièrement. Le cerveau associe vite ce lieu à une pause positive.
2. Marcher vraiment (et pas seulement se déplacer)
- L’Office fédéral de la statistique rappelle régulièrement que près de la moitié de la population adulte ne bouge pas assez. La bonne nouvelle : 20–30 minutes de marche rapide par jour suffiraient déjà à réduire significativement divers risques de santé.
- Pour que ça devienne un plaisir, il faut sortir du mode “trajet utilitaire” : choisir un itinéraire joli plutôt que le plus court, écouter un podcast, ou décider de prendre chaque jour une photo de quelque chose de nouveau.
- En Suisse, on a l’or jaune des trottoirs : les itinéraires balisés de SuisseMobile (randonnée, vélo, etc.), souvent accessibles gratuitement ou avec des transports publics standard.
3. Les bibliothèques, ces lieux qu’on sous-exploite
- Presque chaque ville ou commune a une bibliothèque publique. L’abonnement est souvent gratuit ou symbolique (10–30 CHF par an).
- Livres, BD, journaux, parfois films et jeux vidéo : c’est un buffet à volonté d’évasion gratuite.
- La plupart des bibliothèques romandes proposent aussi des e-books et de la presse en ligne : pratique si tu veux limiter les déplacements.
4. Musées et culture, sans casser sa tirelire
- Beaucoup de musées suisses ont des entrées gratuites certains jours ou certaines heures.
- Exemples :
- À Genève, le Musée d’art et d’histoire et plusieurs musées municipaux sont gratuits en permanence.
- À Lausanne, certaines expositions sont gratuites ou “à prix libre” certains soirs.
- Astuce : vérifier directement sur les sites des villes ou offices du tourisme les rubriques “agenda” ou “événements gratuits”. Peu sexy, mais très rentable.
5. Les événements de quartier et fêtes locales
- Fêtes de la musique, marchés de Noël, braderies, fêtes de village : concert live, ambiance, parfois dégustations gratuites ou vraiment abordables.
- Tu ne trouves rien ? Cherche sur les groupes Facebook ou WhatsApp de ton quartier, ou sur les agendas locaux (par ex. Lausanne à l’Agenda, Genève Agenda, sites des communes).
Se faire plaisir pour moins de 10 CHF (sans se sentir arnaqué)
On ne va pas faire semblant : oui, certains plaisirs coûtent un peu d’argent. La vraie question, c’est : est-ce que le rapport “prix / plaisir réel” est bon ?
1. Le café… mais pas systématiquement en terrasse
- Un espresso à 4,50 CHF pris machinalement le matin, ça pique. Surtout quand il ne génère aucun vrai souvenir.
- Alternative : privilégier 1 ou 2 “vrais” cafés par semaine, choisis, dans des lieux que tu aimes vraiment (un café avec vue, un lieu cosy, une boulangerie artisanale).
- Les autres jours, thermos ou machine au bureau. Le plaisir vient alors du rituel, pas seulement du lieu.
2. Les boulangeries comme micro-luxe accessible
- Une bonne pâtisserie ou un pain spécial (noix, seigle, levain) entre 3 et 6 CHF peut transformer un goûter banal en moment marquant.
- Plutôt qu’un snack industriel de station-service, investir dans un produit de qualité te donne plus de satisfaction pour un prix similaire.
3. Les bains publics et piscines
- Dans plusieurs villes, les bains publics ou piscines communales restent abordables : entre 4 et 8 CHF souvent, parfois moins avec carte de résident·e.
- À Zurich, les “Badi” d’été sont un vrai plaisir collectif. À Genève, les Bains des Pâquis restent un classique pour un petit-déjeuner + baignade à prix raisonnable.
- Pour le cerveau, être dans l’eau + à l’extérieur = double bénéfice relaxation.
4. Un “date” avec la ville
- Budget de 10 CHF en poche, objectif : se balader dans un quartier qu’on ne fréquente jamais, avec droit à UN seul achat plaisir (glace artisanale, boisson spéciale, snack local).
- Ce cadre auto-imposé transforme une somme modeste en mini-aventure. Et c’est parfois plus mémorable qu’un resto à 60 CHF.
Le plaisir chez soi, pour pas grand-chose
Quand le coût de la vie grimpe, le chez-soi devient un refuge. Autant en faire un terrain de jeu sensoriel, pas seulement un endroit où l’on dort et on bosse.
1. Rituels low-cost qui changent l’ambiance
- Éclairage : une ou deux lampes d’ambiance (ou guirlandes LED à 10–20 CHF) transforment un salon froid en lieu agréable.
- Odeur : café fraîchement moulu, bougies (attention à la qualité), herbes fraîches en pot (basilic, menthe) qui parfument la cuisine.
- Son : playlist spécifique “fin de journée” ou “dimanche matin” que tu lances systématiquement. Le cerveau adore les signaux répétitifs de détente.
2. Cuisiner un “plat signature” sans exploser le budget
- Choisir 1 ou 2 recettes que tu maîtrises vraiment, peu chères mais qui te font sentir “en mode resto à la maison” : par exemple un dal de lentilles, une tarte salée, un risotto simple.
- En Suisse, les produits bruts (légumineuses, céréales, certains légumes de saison) restent abordables, surtout en vrac ou en discounter (Aldi, Lidl, Denner).
- Investir dans quelques épices de qualité (paprika fumé, curry, herbes séchées) a un effet disproportionné sur le plaisir gustatif.
3. Soirée “ciné maison” vraiment assumée
- Plutôt que Netflix en fond pendant qu’on scrolle son téléphone, se faire une vraie séance : film choisi à l’avance, lumières tamisées, snack préparé maison (pop-corn, houmous + crudités).
- Coût : quasi nul si tu as déjà un abonnement ou profites de plateformes gratuites (Play Suisse de la SSR, par exemple, pour les contenus suisses).
4. Adopter le “micro-luxe” matériel rationnel
- Un bon thé, une jolie tasse, un coussin confortable, un plaid bien choisi : ce sont de petites dépenses (10–30 CHF) qui améliorent énormément le confort au quotidien.
- Mieux vaut un petit objet que tu utilises tous les jours qu’un gros achat gadget qui finit au fond d’un tiroir.
Plaisirs numériques : culture, musique et apprentissage sans dépenser une fortune
Le numérique peut être une machine à frustration (comparaison, sursollicitation) mais aussi un superbe distributeur de plaisirs low-cost, si on le paramètre bien.
1. Culture en ligne quasi gratuite
- Plateformes des bibliothèques : beaucoup donnent accès à des films, documentaires, journaux, magazines via ton abonnement physique.
- Play Suisse (SSR) : films, séries, documentaires suisses, gratuitement, si tu as déjà une redevance (que tu paies de toute façon).
- Youtube / podcasts : cours de cuisine, interviews, documentaires, musique live… mais à consommer avec intention, pas en zapping permanent.
2. Apprendre quelque chose de nouveau sans payer des fortunes
- Cours en ligne gratuits ou abordables (Coursera, EdX, OpenClassrooms, etc.). Le plaisir n’est pas seulement intellectuel : progresser est un moteur de bien-être puissant.
- En Suisse, certaines universités proposent aussi des conférences publiques gratuites ou en streaming. Tu peux littéralement te faire un “cycle de conférences perso” sans bouger de ton canapé.
3. Musique sans se ruiner
- Les offres gratuites de Spotify, Deezer, etc., existent encore, même si elles sont ponctuées de pubs.
- Autre option : radios en ligne suisses (Couleur 3, SRF, etc.) qui proposent déjà des playlists très travaillées.
- Si tu peux mettre 10–15 CHF par mois, un abonnement musique partageable en famille ou en colocation a un excellent rapport coût / plaisir.
Bons plans suisses pour payer moins cher ce qui fait vraiment plaisir
Il existe en Suisse une myriade d’outils pour réduire la note, mais tout le monde ne les utilise pas. Pas par snobisme : souvent, on ne les connaît tout simplement pas ou on pense qu’ils sont compliqués.
1. Les apps anti-gaspi alimentaire
- Too Good To Go, TooFresh et autres applications te permettent de récupérer les invendus de boulangeries, hôtels, restaurants, pour 3–8 CHF en général.
- Le contenu est parfois surprise, mais c’est précisément ce qui en fait un petit plaisir : tu te crées un “sac mystère gourmand” pour une fraction du prix normal.
2. Cartes et abonnements malins
- Carte journalière dégriffée CFF : si tu as un peu de flexibilité, elle permet de te payer une journée d’escapade (lac, montagne, ville) pour un prix plus bas.
- Abonnements de musées ou cartes culturelles régionales : si tu aimes vraiment les musées, un abonnement peut vite devenir rentable après quelques visites.
- Carte de fidélité des cinémas, piscines, théâtres locaux : souvent, la 10e entrée est gratuite ou fortement réduite.
3. Troc, seconde main et gratuiteries
- Plateformes comme Ricardo, Anibis, Facebook Marketplace, mais aussi les bourses locales (vêtements, jouets, livres) permettent d’acheter ou échanger à très bas prix.
- Se faire un plaisir matériel n’implique pas forcément du neuf plein pot. Un vélo d’occasion en bon état, une cafetière, un jeu de société trouvé en brocante, ça compte aussi.
4. Bonnes affaires locales
- Surveiller les “jours promos” de certains supermarchés ou enseignes culturelles : certains lundis, mercredis ou fins de mois sont plus intéressants que d’autres.
- Les newsletters de ta ville, de ton quartier, de tes lieux culturels préférés annoncent souvent des réductions spéciales ou événements gratuits.
Plaisirs qui font du bien au mental et au corps (sans abonnement à 150 CHF)
On associe parfois “bien-être” à spa, massage ou retraite de yoga en montagne. C’est très bien si tu peux te le permettre, mais le cœur de la santé mentale se joue ailleurs : dans la répétition de gestes simples.
1. Le corps : bouger suffisamment, sans payer une salle
- Parcours Vita : ces sentiers avec agrès de fitness en forêt, présents un peu partout en Suisse, sont gratuits et plutôt bien entretenus.
- Cours en plein air ou associatifs : parfois organisés par les communes (gym douce, marche nordique), à prix très réduit ou gratuits.
- Chez soi : des milliers de vidéos de yoga, renforcement léger, étirements, sans matériel, suffisent déjà à se sentir mieux dans son corps.
2. Le mental : micro-pauses intelligentes dans la journée
- Plutôt qu’une heure de “rien” une fois par semaine, viser 3–4 micro-pauses de 5 minutes par jour : respiration, étirements, marche autour du pâté de maisons, regard vers l’extérieur.
- Des apps comme Petit Bambou, Calm (en anglais), ou des méditations guidées gratuites sur Youtube peuvent aider, sans obligation d’abonnement.
3. Le lien social intentionnel
- Un café à la maison avec un·e ami·e, une promenade à deux, une soirée jeux de société : le plaisir vient davantage de la présence que du décor.
- Si tu viens d’arriver dans une ville ou te sens isolé·e : associations, clubs de sport peu chers, cafés polyglottes, événements Meetup sont des moyens d’élargir le cercle social sans dépenses folles.
Comment intégrer ces petits plaisirs dans un quotidien chargé
La vraie difficulté n’est pas de trouver des idées. C’est de les intégrer dans des journées déjà pleines de travail, de trajets et de tâches domestiques.
Quelques pistes très pratico-pratiques :
- Bloquer dans l’agenda : inscrire noir sur blanc “balade 20 min”, “bibliothèque”, “bains” comme tu le ferais pour un rendez-vous pro. Ce qui n’est pas planifié n’existe pas.
- Préparer le terrain : sac de piscine prêt, chaussures de marche à portée de main, liste de films ou de livres “à voir plus tard” pour éviter de perdre 30 minutes à choisir.
- Limiter les plaisirs automatiques qui n’en sont pas : scroll infini sur le téléphone, achats impulsifs en ligne. Ils donnent une illusion de détente, mais rarement une vraie satisfaction durable.
- Se faire un “menu plaisir” personnel : une liste de 10–15 choses qui te font vraiment du bien, classées par coût (0 CHF, < 5 CHF, < 10 CHF) et par durée (5 minutes, 30 minutes, 2 heures).
En Suisse, le coût de la vie est un fait. Mais ce n’est pas une fatalité pour tout. On ne peut pas baisser le prix de son assurance maladie du jour au lendemain, ni faire disparaître la facture d’électricité. En revanche, on peut reprendre la main sur la façon dont on remplit ses journées, au moins à la marge.
Pour résumer en quelques actions concrètes, dès cette semaine :
- Choisir un lieu gratuit (lac, parc, forêt) que tu adoptes comme “place de pause” régulière.
- Tester une app anti-gaspi alimentaire et te prévoir un “sac mystère” gourmand.
- Lister tes 10 petits plaisirs préférés à moins de 10 CHF.
- Aller une fois en bibliothèque et repartir avec au moins un livre ou un magazine choisi par pur plaisir.
- Planifier une soirée “ciné maison” ou jeux de société, téléphone posé loin de la table.
Le luxe, en Suisse comme ailleurs, ne se résume pas à ce qui est cher. Parfois, c’est simplement ce qu’on prend le temps faire, en conscience, sans culpabilité, même (et surtout) quand ça ne coûte presque rien.